Homme des cavernes
« Mouture de souvenir »
Cinq heure. Rue Marguerite. Sortie d’école. Sur le trottoir. Il neige. C’est fabuleux.
J’ai toujours envie de campagne. Je dis à un de mes amis qu’il faut absolument y aller pour aller voir la neige. Que je connais un endroit super. Comment est-ce que je réussi à le convaincre !? Je lui demande d’y aller avec sa moto, une grosse, mais il me dit que c’est impossible, qu’il y a peu de chance que l’on y arrive.
En tous cas, le lendemain en fin de journée, c’est vendredi et on se retrouve dans le train.
Arrivée. Magasin pour acheter à manger. Puis marche, quatre kilomètres pour arriver là où je veux. Je le fais passer par le chemin le plus sympa. Au travers des arbres tout le long, au lieu de passer par la route et pour le final, le meilleurs par les grands champs sur le plateau. Ils sont effectivement tout blanc, c’est effectivement très beau.
L’émerveillement passé il faut réussir à faire du feu car la nuit tombe et on commence à avoir froid.
Il y a un problème auquel je n’avais pas pensé. Normalement quand je viens j’arrive toujours à trouver une bois à peu près sec. Cette fois-ci avec la neige, c’est impossible. Heureusement il m’apprend qu’en vidant l’encre d’un stylo bic sur les branches ça fait comme avec de le cire de bougies. Réussite.
Nous sommes assis dans la nuit, assis à manger au milieu des bois autour de notre feu, le moral monte.
Nous allons sur le grand champ pour voir la nuit. Toute la voute céleste est pleine d’étoiles avec le sol couvert de son manteau de neige. C’est grandiose.
Le moral retombe. Il fait froid, il fait sombre, il faut trouver l’endroit pour dormir en l’occurrence des grottes. Ce que je n’ai pas encore dit c’est que nous n’avons pas de tente et que nous avons un sac de couchage pour deux.
Je nous trouve la plus sympathique, pas très haute mais le sol est de sable fin.
Je crois que nous n’avons pas beaucoup dormi, avec notre sac ouvert en couverture.
Ce que je veux vous raconter, c’est ceci. C’est le moment où je vais me réveiller, et surtout la minute où j’ouvre les yeux. Un peu de lumière de l’extérieur arrive légèrement en contrebas, par l’ouverture de la grotte.
Je regarde et je me dis, je le ressens, avec très peu d’effort, que j’ai la même vue qu’un homme des cavernes qui se réveille comme moi.
Lorsque j’arrive à faire abstraction de mes pensées pendant quelques secondes, quelque différences y a-t-il ? Je me laisse aller autant que possible dans cette expérience.
Ensuite, je me lève, je sors. J’ai ma veste qui est faite de peau de mouton, c’est la mode actuellement.
Je peux bouger, courir, un peu comme un homme de ces temps lointains.
La grotte est situées dans un creux. Je peux voir la cime des arbres, des pins, éclairés par les premiers rayons du soleil.
C’est superbe.
Je vais sur le grand champ. Le soleil est comme un ballon rouge à un mètre du sol, là-bas sur l’horizon. Le champs a été labouré et la neige est accrochée sur les crêtes de terre. Le soleil passe au travers en rasant. Il y a des reflets bleus, comme dans les glaciers.
Mon amis se réveille. Il n’y a plus rien à faire d’agréable, il fait froid, pas de coins chauds, nous partons vite.
A midi je suis à Paris. Je croise mon frère. Lui il est en costard pour le travail, c’est au palais des congrès à la porte maillot. Je lui raconte mon aventure formidable. Je crois qu’il trouve cela assez débile.
J’ai de la fièvre, beaucoup en fait.
J’ai alors l’idée lumineuse d’aller dormir à la campagne pour profiter de cette neige. J’arrive à entrainer un copain, il le regrettera probablement mais je suis à l’époque très entrainant, comme quoi on peut « manipuler » les gens, mais pour moi sur le moment c’est juste de l’enthousiasme pur. Oui je ne l’ai pas encore dit mais il s’agit d’aller dormir dans une grotte… On prend le train, on s’arrête au magasin pour acheter à manger, marche à pied au moins cinq kilomètres. Je connais bien l’endroit, et je passe par les endroits les plus sympas, on arrive par le grand champ, tout blanc, au moment du coucher du soleil. C’est merveilleux. Le feu par contre a du mal à démarrer, toutes les branches sont mouillées, je n’y avais pas pensé. C’est au moment où la nuit tombe que tout devient réellement moins drôle, il fait très froid. Il faut aller se coucher. Détail nous n’avons qu’un sac de couchage pour deux en couverture.
Je me réveille. J’ouvre les yeux. Je regarde au-dessus de mon sac de couchage vers l’entrée de grotte là où un peu de lumière arrive. A ce moment précis Je me dis il y a un millier d’année un être humain a vécu exactement la même seconde, voyait en se réveillant la même chose. Cette sensation et juste fabuleuse, et j’essaie d’y rester le plus longtemps possible. Ca caille, je me lève, mon pote dort toujours. Je rampe vers la sortie. Le sol est fait de sable, au-dessus de nous c’est une plaque de calcaire d’environ quatre à cinq mètres d’épaisseur qui fait probablement me tapis de ce tableau sous une autre couche de terre meuble.
Ainsi quand je sors de sous cette immense plaque il y a devant mois le sol et de grands pins qui montent haut, assez haut pour que la lumière du soleil levant encore orange vienne les frappe, les inonder de cette couleur chaude. Je n’ai jamais rien vu de plus beau, c’est juste magique, il faudra absolument que je le raconte un jour. Je monte sur le champ au dessus et je vois les petites crêtes de neige qui traversées par la lumière sont bleu, un peu comme des glaciers.
Il n’y a rien à faire ici autre que de retourner sur Paris. Je ne sais pas ce qu’en pense mon ami mais je crois que je n’ai pas osé demandé. C’est samedi matin, je ne sais pourquoi je dois passer voir mon frère qui travail sur le lieu du Palais des Congrès porte maillot. Il est déjà boulot boulot, costard. J’essaie de lui dire le super moment que j’ai vécu, mais cela a dû se résumé à « Je suis allé dormir sous la grotte à D… », et j’ai interprété son regard comme, « il est taré ».
En pratique j’ai une vraiment grosse grosse fièvre, on peut faire plus que quarante degré ? Mais inoubliable.

–