La solution est dans la sensation
S’il y a un sujet que je travaille beaucoup dans la danse classique, c’est la tenue du dos.
Il faut se tenir droit et avec mon professeur de danse, Mme Nora Kiss, ça ne rigole pas.
En pratique je dois y faire attention pendant les cours mais pas seulement, toute la journée, quand je marche dans la rue, dans le métro etc… En fait quand on fait de la danse on est danseur à l’instant où on ouvre les yeux le matin jusqu’au soir pour le couché.
Pour y arriver elle nous donne des trucs. Par exemple de marcher comme si on avait quelque chose que l’on portait sur notre tête. Elle nous donne l’exemple de ce genre de chose en Afrique, cela fait une colonne vertébrale du tonnerre.
Elle nous propose aussi de penser à être comme un tube de dentifrice et de faire que l’on sorte de notre bassin comme si on sortait du tube.
C’est un sujet de recherche perpétuel. Et je n’étais pas quelqu’un qui se tenait bien avant de faire de la danse, c’est tout sauf naturel.
Au fur et à mesure de mes observations et de mes réflexions le système de représentations de mes sensations, comme une sorte surface de mon corps est déjà bien établi.
Un jour en fin d’après-midi, après les cours je ressens une grosse fatigue et je me livre à une expérience.
Au lieu de lutter contre cette fatigue en mer redressant en utilisant une technique basé sur de la volonté, militaire, je décide d’entrer dans cette sensation de fatigue que je ressens dans le bas de mon dos.
Une réaction apparait instantanément et tout à faire contraire à ce à quoi j’aurais pu m’attendre. Après un mouvement qui accroit mon enfoncement vers le bas, je me redresse naturellement sans effort et comme libéré.
Je pratique cette technique encore et encore. Je lâche ces fatigues comme si finalement c’est moi qui agissait pour m’affaler dedans.
Je fais un lien entre cette zone corporelle et ma pensée. Mettre en contact cette surface intérieure avec ma tête apporte des découvertes intéressantes. Je répète et répète ce expérience autant de fois que possible.
Maintenant j’ai mes cours, et je poursuis mes expériences et mes recherches.
Je me souviens que pendant toutes mes années de cours avec Mme Nora Kiss, celle-ci nous allumait, m’allumait dès que je regardais le sol au lieu d’avoir un bon port de tète et de regarder bien devant. Elle avait beau nous le répéter tous les jours, les années passaient rien ne changeait.
Fort des ma théorie sur les Psycho-Information (PI) je me suis dit que si on regardait en bas c’était qu’il y a avait quelque chose. Je me sentais vraiment attiré et la volonté de faire autrement échouait. A la moindre chute d’attention, ma tête retrouvait le chemin. Donc au lieu de lutter contre, pourquoi ne pas aller plonger dans la sensation.
J’ai donc fait quelques tests sur moi qui se sont révélé concluants. Mais j’ai voulu savoir si cette proposition théorique fonctionnait vraiment et en l’occurrence sur les autres.
Ce n’était pas évident car une de mes règles d’or était que je pouvais me prendre comme cobaye mais pas les autres. C’est une sorte d’interdit en moi. Néanmoins, peut-être en me disant que ce n’était pas une expérience dangereuse j’ai décidé de tester cela en cours.
Le mouvement idéal était de faire un glissé en avant en quatrième avec port de bras car cela commence par un mouvement vers le bas, une sorte de plongée mais qui ne doit pas en être une. Une de mes élèves est là, elle fait toujours la même chose, la tête reste en bas.
J’essaie. Je lui dit « essaie de faire la même chose mais en entrant en contact complètement avec ton envie de baisser la tête, dans la sensation, dans l’envie». C’est la première et dernière fois que je fais cela, tester une de mes expérience sur quelqu’un d’autre.
Elle essaie, la tête se redresse, c’est juste parfait.
Avec le temps, durant les années à venir je vais synthétiser dans cette phrase « La solution est dans la sensation ». Je vais passer mon temps à me connecter à tout ce qui se passe en moi pour voir les conséquences et pour vérifier que cette proposition tient la route.
C’est ce que j’appelle une expérience clef. Les choses sont probablement venues lentement par touches avec d’autres expériences du même type. Mais quand je veux revenir, à un exemple solide, vérifié parmi d’autre je n’ai besoin que de me rappeler d’un en mémoire. En l’occurrence ce fut dans ce cas de figure lorsque je suis entré dans ma fatigue.
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Pour ceux qui n’ont pas fait de danse, en particulier de la danse classique, sachez que l’on passe une bonne partie de sa journée à faire attention à se tenir droit, à s’allonger vers le haut. C’est en tous cas ce que j’ai vécu pendant 6 années avec ma prof. Elle nous donnait tout un tas d’images pour faire des exercices pour y arriver. « Imaginez que vous êtes comme en Afrique à porter tout un tas de choses lourde sur la tête (essayer, vous verrez c’est très efficace). Pour faire la même chose sans sortir le ventre il fallait penser à être comme un tube de dentifrice etc… C’était important. Avoir l’air avachi ne collait pas avec la profession. Je passais donc du temps à faire attention à ma posture. Néanmoins parfois, surtout en fin de journée, je pouvais avoir envie de m’écrouler. C’était à nouveau une lutte entre une envie contre une autre. Conflictuel, et donc assez pénible. Comme je passais mon temps à entrer en contact avec les sensations de mon corps. L’idée donc ma pris un jour de tenter une expérience. Au lieu de lutter en me tirant vers le haut alors qu’une sensation me tirait elle vers le bas, très exactement le bas de mon dos qui voulait partir vers l’arrière. J’ai décidé d’accepter ma fatigue plutôt que de la rejeter et d’entrer en contact avec la sensation. Il faut dire que pendant les années durant lesquelles je travaillais avec Jacques de Panafieu, celui-ci parlait souvent « d’accueillir ». Je ne sais pas si chronologiquement ce mot m’a influencé progressivement pour générer cette expérience, mais cela est possible. La réponse de mon corps fut immédiate et nette. Mon dos s’est redressé sans aucun effort. Ce fut le point de départ d’une série d’essais pour réitérer l’expérience avec toutes les autres sensations possibles et imaginables.
Pendant les années précédentes j’avais aussi fait quelques autres expériences. Une fois que j’avais de la fièvre j’avais mis en contact, ce que je ressentais comme la partie malade de mon corps avec mon cerveau. Le raisonnement était basique. Je me disais qu’en faisant de la sorte, je mettais toutes les capacités de mon esprit au travail pour ma guérision.
Je me rappelle que j’avais remarqué que plusieurs fois, en sortant de la piscine j’avais senti un petit frisson et que le jour suivant j’avais attrapé froid. Comme si je n’avais pas fait attention à cette petite sensation de froid sur mes cheveux mouillés que j’avais pourtant noté de manière fugace. Par la suite, j’ai commencé à faire attention à ce genre de petits signes. Au lieu de les rejeter ces sensations, j’acceptais de la prendre en compte. A partir de ce jour je pense que j’ai été beaucoup moins malade. Je déduisais qu’en écoutant le message mon corps, mon cerveau, s’occupait de réagir tout de suite comme il le fallait.
Retour à la danse. Pour la première fois je vais me permettre de tester et vérifier ce principe en réel sur une autre personne. Avec la certitude que cette expérience serait totalement bénigne pour celle-ci. C’était la première et la dernière fois. Je pouvais faire tout ce que je voulais sur moi-même mais je ne pouvais pas me permettre de faire la même chose sur une autre personne. Il s’agissait donc de vérifier si le fait de prendre en compte une sensation, qui en l’occurrence générait un mouvement dans un sens inverse à celui demandé, permettait finalement d’arriver au but. Une des choses que nous/je avions tendance à faire lorsque nous dansions pouvait être de regarder par terre. Notre prof passait donc une partie de son temps à nous répéter « ne regarde pas par terre… » (Un danseur sur scène les yeux continuellement la tête penchée vers le sol, pas top). Quelques années plus tard je suis devenu prof de danse. Il y avait un mouvement particulier, glisser en avant avec port de bras, qui avait tendance à faire baisser la tête en avant. Un jour, j’ai donc demandé à une de mes élèves qui baissait justement la tête dans cet exercice, de le refaire non pas en se forçant à lever les yeux mais en intégrant son envie de baisser la tête. Résultat impeccable avec une ligne de nuque bien étirée superbe.
Cette mise à jour est peut-être celle qui pourrait être la plus importante finalement à mes yeux. En tous cas une clef. J’ai noté qu’en m’éloignant de mon vécu, ma mémoire ne retenait que quelques éléments. Difficile de dire que cette expérience est exactement celle qui a été la première pour mettre en exergue ce principe, mais qu’importe, c’est celle qui reste comme étant clef dans ma pensée. Même si elle est arrivée à la suite de tout un tas d’autres qui ont construit le chemin. Et puis qu’importe elle était très démonstrative.
La proposition est de dire qu’on n’a pas à enlever pas quelque chose en soi. Mais plutôt à l’intégrer comme dans une sorte de recyclage.
Lors d’une de mes premières lectures de spiritualité Hindou, j’ai pris connaissance de l’histoire suivante. Il s’agissait d’un voleur venant voir un sage ou un truc de ce genre, et il lui explique qu’il n’arrive pas à s’arrêter de voler. Le sage lui répond que la prochaine fois il n’aura qu’à prendre conscience de ce qu’il fait.
En analyse transactionnelle on parle de scénario, et d’anti scénario. Exemple je fais ce que m’a dit mon père ou je fais l’inverse. Et si l’idée d’accueillir la sensation, l’injonction qui y est liée, serait la possibilité de n’avoir à faire ni l’un ni l’autre. A remplacer par un choix personnel.
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